Retour d’expérience de voyages à moto en EUROPE aux temps des Corps-aux-masques.
J’écris ces lignes le lendemain de mon retour, encore fourbu de cette dernière cavalcade, les doigts fourmillants des vestiges de vibrations, le visage gonflé de fatigue et le front qui grossit des suites de la piqûre de guêpe attrapée en plein vol entre mon casque et mes lunettes. Mais bon, la mémoire chez moi c’est comme le poisson au marché, plus c’est frais, mieux ça vaut !
Tout commence avec l’acquisition d’une Yamaha Ténéré 700 flambante début juin 2020. Enfin la monture idéale, adaptée au Tout-Terrain, surtout fantasmée pour le sable chaud du Sahara…à venir ? Avenir...
Après une prise en main pour assure le rodage des 1600 kms, nous nous lançons en duo sur la moto chargée au-delà de la limite préconisée pour l’Espagne, quelques jours seulement après la réouverture des frontières : début juillet 2020. La Ténéré, alias Tina, sera aussi fidèle que fiable, et nous propulsera sur 2700 kms pendant une semaine, bravant les tempêtes de vent sans broncher, roulant parfois toute la journée sous forte chaleur, toujours aussi généreuse et présente à tous les étages. Niveau tourisme, ce sera pas drôle, les souvenirs vont vites s’estomper, restent les paysages de la côte Atlantique Nord-Ouest que nous baptiserons « la Bretagne de l’Espagne ».
De retour en France, envies de voyages à moto. Je sonde les possibilités, tout à l’air stagnant, peu propice à l’exploration… Tous les sons de cloches sont… dissonants. Tant pis, je me lance. Sur les conseils d’un fin connaisseur, direction les Balkans. Je change de politique, j’acquière un smartphone après 10 années de refus, pour utiliser le GPS gratuit OSMAND, censé m’emmener jusqu’aux TET’s. Je passe un mois à équiper ma monture pour qu’elle encaisse sans trop de dégâts les pistes du Trans Euro Trail (TET) et autres routes défoncées si besoin.
Une fois prêt, je démarre l’Aventure, avec en théorie 2 mois de libre, et 1500 euros de budget. Direction l’Est, un vent chaud de liberté !
Voici en brut quelques statistiques :
8 pays traversés (France → Italie → Autriche → Slovénie → Hongrie → Slovaquie → Pologne → Allemagne) / 5250 kms parcourus en 13 jours (du dimanche 26/07 au samedi 8/08) / 3 tentatives de roulage sur le TET / 6 chutes sans casse / Pic de chaleur de l’été au 1er jour de roulage / 900 euros dépensés / 4 bivouacs sauvages / 3 nuits au camping / 3 nuits en auberge / 1 nuit à l’hôtel / 2 nuit chez l’habitant / 0 plaques française croisées depuis le Piemonte italien jusqu’au retour par Mulhouse… 90 % de tourisme au national dans les pays que j’ai traversé. Types de routes : 10 % de TT, 30 % de petites routes et départementales, 30 % de nationales et 30 % d’autoroutes. 2 tensions de chaîne, 1 nettoyage de filtre à air.
Mon idée est de rejoindre au plus vite le TET Italie, donc je trace la route (toujours en évitant les péages et autoroutes) direction Nord-Ouest de l’Italie. J’ai démarré frais et propre sous un ciel impeccablement bleu (c’est rare de nos jours). Mais la journée la plus chaude de l’été m’a transformé en fromage puant. Les pauses s’imposent car le GPS surchauffe et s’éteint de lui-même. 38°C à l’ombre... Repas du soir partagé avec un SDF devant la Biocoop de Chambéry. C’est avec les vêtements poisseux que je planterai ma tente-sarcophage au crépuscule dans une forêt de Haute-Savoie, la montagne en face du Col du Granier (1200 m). La nuit fut légère, dû à l’enthousiasme de mon entreprise autant qu’aux bruissements sylvestres et autres animaux nocturnes.
Dès le lendemain matin je casse l’arceau principale de ma tente neuve en la déplaçant -grmrrmh putain de camelote !- Je vais vite comprendre que j’ai pas fait tous les bons choix :-)
Les routes depuis la Haute-Savoie jusqu’en Slovénie vont êtres sublimes !!!
Je reprends la route au petit matin, je ne cesserai de monter jusqu’à un endroit magique : 45°39’N6°52’E j’y laverai mes affaires, m’y baignerai avec joie, sous un soleil clément cette fois-ci.
Chambéry →Albertville →La Rosière →Thuile ITALIE. Je vais chercher toute la journée comment utiliser mon smartphone, puis OSMAND sur mon smartphone. Échec, c’est à l’œil, en mixant les deux positions de mon TomTom et du smartphone que je vais enfin réussir à rejoindre le TET en fin de journée. Au bout de 2 kms, première chute ! Je l’attendais avec appréhension. J’ai cru ne pas pouvoir la relever = la moto + l’équipement + mes bagages = 270kgs… Même avec un petit tendeur pour bloquer le frein avant, sur un mini dévers, j’ai dû user de TOUTE ma force pour relever la bête, oups, la belle.
Je vais tenter de rouler 10 kms sur le TET, qui n’a pas été emprunter depuis des mois : Les ronces sont partout, plus de traces fraîches de pneus, des hautes herbes piégeuses, etc. Épuisé, je plante désespérément mon bivouac dans une forêt d’acacias en bord de piste, en rentrant fissa toutes mes affaire derrière la moustiquaire. Nuit horrible entre les moustiques, l’orage, la pluie et les cris des chevreuils.
Bon, je dois réviser ma copie là ! Les Baroudeurs avaient raison, je suis trop chargé à l’arrière. Allez, en avant, direction l’Autriche via l’Autoroute cette fois. Puis j’aviserai pour mon barda. Après l’Autoroute, je me régale des paysages montagneux, des cols tous plus beaux les uns que les autres. Route Silverstrass ! Et une surprise sur la route : DOLOMITES. Le soir, auberge très accueillante où le port du masque n’est même pas cité, personne ne le porte, je savoures les sourires et autres formes d’expressions sur les visages des clients. La moto au garage, grosse pluie et orages à nouveau. J’adore ce que je perçois de l’Autriche.
Après un bon repos, je reprends la route direction la Slovénie. Là-bas j’ai l’intention de rejoindre le TET. Ici commencent les problèmes techniques. Mon TomTom arrête ses cartes en Autriche, et je ne maîtrise pas vraiment OSMAND. Du moins il met un temps fou à charger les itinéraires, et refuse de me réorienter lorsque je rate une intersection. C’est ainsi qu’après 6h de routes, à quelques 40kms du TET Slovénie, je ne peux plus passer par la route qu’il m’indique pour rejoindre la trace GPX. Je vais tourner 1 h en ville pour chercher une voie alternative, en vain. Ya basta ! Camping pour la nuit, où je vais désosser de rage tout le chargement de la moto et lui faire une cure de 10kg et pas mal de volume. Là ! C’est l’avantage de la bricole et des fixations avec les tendeurs : t’y charges comme ti veux bi oui.
Enfin nous sommes copains avec OSMAND, les paramètres sont bons, nous traverserons la Slovénie d’ouest en est. Direction la Hongrie par 180 kms de chemins blancs et caillouteux, de cols de montagne avec des pentes à 20 % où même debout tu ne vois pas au-delà, et d’abords de champs en pleine campagne. Grosse chaleur, gps surchauffe… Jusqu’ici tout va bien.
Jusqu’en Slovénie tout va bien, et rien qu’à la tenue des chemins je sent que je suis passé en Hongrie. Les pistes sont de plus en plus accidentées, jusqu’à m’amener à une voie dont le pont à disparu, mais qui à l’air franchissable car le fossé de 2m de profondeur et de long est recouvert de végétation dense ! Heureusement que je roulait debout pour voir le piège. Demis-tours laborieux, je continue dans des conditions de pire en pire. A un moment j’ai faillit abîmer ma jante avant car les ornières étaient remplies de briques entières pour les combler, c’est dire leur profondeur. Dure pour moi de manœuvrer en finesse la T7 dans de telles conditions. J’arrive enfin au prochain village après m’être enlisé dans des ornières de marre à cochon creusées par le style tracteur-américain céréalier à la saison des pluies. Ouf, pas de chute, ça barbote jusqu’aux mollets, rien de grave.
Il n’y aura pas d’hôtel chouette (j’entends à moins de 30 euros en fait, donc cheap colle mieux), je tente de pousser plus au nord. Erreur, le seul endroit où il reste de la place à Zala est un hôtel de luxe… L’hôtelier me confirme que la cherté de la vie a nettement augmenté en Hongrie pour eux ces dernières années, et qu’il ne faut pas s’attendre à avoir un pouvoir d’achat important par rapport aux euros. Bon, je me dirige vers le centre après une douche bien méritée, en quête de ce qui sera mon premier repas chaud depuis une semaine : pizza 4 fromages : 1 couleure, 1 saveur, 1 brûlure, 1 douleur au ventre. Ok ! Ben je vais dormir dans mes draps blancs alors.
La partie la plus forte et pimentée de mon voyage commence ici, et sera écrite à part, tellement il y à de choses à raconter ! Il s’agit d’un bout de TET Hongrie. Quelle expérience... A lire bientôt.
Suite à cette expédition dans les bois, je reprends la route aux aurores, comme toutes les nuits passées dehors, sans boire chaud, ni manger avant midi. Pression des pneus, plein d’eau OK. Direction la Slovaquie, finit les prises de tête au sujet du TET, j’ai eu ma ration de sensations pour un moment là.
Je vais pousser autant que possible la moto et mon corps pour rejoindre la ville de Nitra (l’horreur cette ville-industrie), sachant qu’OSMAND n’avait plus de carte après la Hongrie. Ici, pas d’hôtel libre, sinon pas ouvert aux touristes étrangers. Bon, j’entame mon capital-réserve d’énergie et reprends la route. Je navigue donc à la boussole, à l’aveugle. 4 h d’errance plus tard je tombe sur un vieux camping du temps de la Tchécoslovaquie, jadis prêt à accueillir 5000 personnes. Il va pleuvoir. Pendant deux jours.
Le temps de sympathiser avec le gérant du DUCHONKA camping, que je vous recommande vivement si vous passez par là. Ainsi que le temps d’une rencontre avec un couple de jeune motards Slovaques qui me déconseilleront d’aller en Roumanie, Ukraine ou République Tchèque... Quinzaine menaçante donc inutile de tenter un re confinement à l’étranger ! A ce moment du voyage je ne réussis plus à récupérer mes forces, et l’enthousiasme va déclinant.
Direction Vysoké Tatry // « High Tatrass », le toit de Slovaquie. Je ressent de l’indifférence à ma présence, voire clairement de l’hostilité… Allez, je connais le protocole, fonces direction la Pologne et tu verras ce que t’y trouves !
La moitié de la boucle est donc faite. La suite est moins intéressante, beaucoup de nationales, beaucoup d’heures de pilotage pour rejoindre la maison, peu de jolis paysages.
Je finirais donc mon périple hier, de l’aube à la tombée de la nuit, après un énième bivouac clandestin, donc peu de sommeil. Défilé de bagnoles de luxes sur l’autoroute allemande. Un accident juste sous ma roue avant que j’ai heureusement pu éviter de justesse. Cela sous une cagne d’enfer (32° à 10h, 39° à 17h) où le prétexte que j’ai trouvé pour faire 1200 kms en 16h par tant de routes en chantier, est qu’en dessous de 90km/h j’ai trop chaud. Mwé, je le ferais plus.
Et me voilà rentré. Ah, deux piqûres de guêpe en plein vol (comment vous faites pour rouler en t-shirt ou sans protection avec tous ces insectes ?). Total de 5 piqûres qui ont enflés (je suis allergique à ces attaques), la petite bête gagne.
Niveau TET, le peu que j’ai emprunté ça devenait sauvage, pas fréquenté donc touffu, traces incertaines… Un plaisir quand même malgré la difficulté. Mais pas vraiment adapté au chargement et au niveau de fatigue que j'accumule durant le périple.
Niveau moto, les pneus MITAS E07 sont solides, s’usent lentement, accrochent bien, mais gare à ceux qui mettent de l’angle car l’arrière à un « cran » qui donne une sensation désagréable de pré-chute. ATTENTION ils sont notés « enduro-trail » mais ils sont surtout trail, ou enduro sur du sec, très sec et cailloux ! Ne pas tenter de rouler sur du gras avec, en tout cas pas en T7 chargé, seul !
Rien à dire pour le reste, la Ténéré mange tout ce qu’on lui donne, ne rechigne pas à la tâche.
Mon montage raquette-cross de hockey et vis a pas bougé, c’est le crash-bar avant gauche qui s’est plié vers l’intérieur. Le sélecteur de vitesse aussi s’est plié légèrement, ainsi que le repose-pied droit et le silencieux au niveau de la patte de fixation.
Je voulais faire entretenir ma Tina chez Yam’ pour les 10 000 qui ont sonnés, mais ils ont pas le temps… Comme les deux Yam’ chez qui je suis passé pendant mon voyage (même pas 5 min. pour graisser ma chaîne, la honte)… Sinon, les petits garages moto m’ont accordé du temps, et des services, gratuitement. Mais bon, c’est business as usual. Si vous connaissez une adresse en France où redresser impeccablement les jantes je suis preneur merci !
Cette moto est simplement merveilleuse. Je valide tout. Merci aux personnes qui ont élaboré, préparé, fabriqué cette machine. Merci à toutes les personnes qui m’ont sourit, aidé et aiguillé pour ce voyage. Et pour les emmerdes, c’est juste le tarif minimum de tous baroudeur.
A bientôt !